Histoire

LES CHASSÉENS

Les Chasséens – Introduction

Vers -4000, les Chasséens, premiers agriculteurs complets et acteurs de l’économie néolithique (cultures, élevage, village, poterie) peuplent réellement l’ensemble des Baronnies et du Diois. D’abondants vestiges de leur civilisation ont été trouvés au TROU-ARNAUD près de Volvent dont on voit la galerie fouillée ci-dessous; à un degré moindre à COUMBAUCHE à Montmorin, plus quelques traces dans la Grotte de la TUNE à Arnayon.

Pour illustrer cette période nous vous proposons une série de photos de matériel recueilli au cours des fouilles conduites par Jean-Claude DAUMAS et Robert LAUDET ( Section Archéologie du CSCM) dans la Galerie des Pots de la Grotte du Trou Arnaud de 1986 à 1990. Noter que l’accès à la grotte est actuellement interdit par le propriétaire.

Les Chasséens vivaient dans des maisons dont la structure était composée de poteaux, couvertes de toits de chaumes comme l’ont mis en évidence les fouilles lacustres du Jura ou de Charavines, mais ils aménageaient aussi les abris naturels comme le prouvent ces traces de trous de piquets dans l’argile au Trou Arnaud.

Outillage caractéristique de ces agriculteurs

– Les lamelles en silex blond enchâssées sur un bâton courbe (faucille primitive pour la moisson).
– Les poinçons taillés dans un os de la patte du mouton, qui servaient à la confection des vêtements en peau ou en tissu et à la vannerie.
– Les haches polies.
– Les meules à grains en grès.

Les animaux

– La chasse est encore vivace: chamois et cerfs au Trou-Arnaud; cerfs, sangliers, ours, loups, lièvres, oiseaux à Coumbauche.
– Les quatre espèces domestiquées (mouton, chèvre, porc, bœuf) sont présentes à Coumbauche comme au Trou-Arnaud où le mouton est sur-représenté à tel point qu’il est possible de mesurer l’évolution de sa taille moyenne d’une couche à l’autre.

La culture

La culture est devenue la première source de nourriture.
– Au Trou-Arnaud sont présentes quatre espèces de céréales (les 3 variétés de blé connues à l’époque et l’orge) et deux espèces de légumineuses: lentilles et surtout pois.
– Dégagement et moulage d’une structure en terre crue au Trou Arnaud, ayant servi à stocker des végétaux (plantain et chénopode) probablement pour la fabrication d’un genre de choucroute (étude pollinique de Jacqueline ARGANT).

Les poteries

Les Chasséens étaient aussi de remarquables potiers par la qualité de la pâte et de la cuisson, par le soin apporté au lissage. Mais surtout par la beauté de formes sobres à fond hémisphérique.
– Les haches polies.
– Les meules à grains en grès.
– Vase

Au Trou-Arnaud l’abondante céramique, parfaitement conservée, a fourni des formes peu courantes dans la Drôme.

Les décors sont rares, ce qui rend d’autant plus précieux ce soleil gravé de Coumbauche à Montmorin (fouilles et croquis Alain MURET)

BAUME DU RIF

Ce replat à 900 m d’altitude, situé au nord-est de La Motte, permet d’évoquer le passage entre 6000 et 5000 ans avant J.-C. des derniers chasseurs-cueilleurs [Castelnoviens utilisant un outillage en silex de burins, grattoirs et microlithes : minuscules pointes de flèches] aux tout premiers agriculteurs. Ils étaient sans doute des pasteurs-cultivateurs venant de Provence et utilisant des outils en silex d’un type nouveau comme les pointes de flèches à tranchant transversal. Baume du Rif

Ils ont aussi laissé des fragments d’un grand vase – la plus ancienne poterie connue du Diois et des Baronnies – à décor d’influence cardiale, réalisé à l’aide d’un peigne à 6 dents, à base de chevrons horizontaux et obliques .

 

Données tirées des Cahiers de l’Oule de 1994, édités par le Club Sportif et Culturel Mottois.
Pour en savoir plus, voir Cahier de l’Oule spécial Trou Arnaud 1998, édité par le Club Sportif et Culturel Mottois.


L’ ÉPOQUE GALLO-ROMAINE

LA PREMIÈRE CONQUÊTE ROMAINE (- 125 – 120)

Le Bassin de l’Oule entre dans l’Histoire à la suite de l’arrivée des Romains en Gaule.

A la fin de l’Age du Fer – époque des Gaulois – la population du Diois et des Baronnies portait le nom de Voconces. Elle perdit son indépendance dès la fin du IIème siècle avant Jésus-Christ, soit trois quarts de siècle avant la conquête générale de la Gaule par César de -58 à -50.

Aux prises avec ses turbulents voisins gaulois (les Salyens), Marseille fit appel à son alliée Rome. L’armée romaine est victorieuse des Salyens et des Voconces en -125 et en -124 avant les deux batailles décisives de -121, au cours desquelles les Allobroges et leurs alliés les Arvernes furent tour à tour vaincus dans la moyenne vallée du Rhône.

A partir de 120 avant Jésus-Christ, les Romains ont pu occuper le sud-Est de la Gaule et y créer une province: la Gaule Transalpine.

LA ROMANISATION

Nos montagnes ont-elles été rapidement pénétrées et contrôlées par les Romains? S’il est très délicat de répondre, on peut cependant constater que le plus ancien site connu Coumbauche à proximité du Col des Tourettes est daté de 30 à 10 avant JC, soit un siècle tout juste après la défaite des Voconces.

Pendant les grands siècles de l’Empire Romain (milieu du Ier avant JC, milieu du IIIème après JC), le Bassin de l’Oule a dà» être englobé dans un pagus – la plus petite des unités administratives de la Gaule – qui aurait été le “Pagus Bodiontii”.

Monnaie romaine (collection Tenoux) – vallon de Coumbauche au col des Tourettes – (fouilles Alain MURET 1979-1987).

En dehors de vestiges matériels nombreux et variés, les preuves d’une romanisation marquée sont de deux types:
– L’existence de la route romaine qui reliait les deux capitales des Voconces (Vaison et Luc puis Die) par le Col de La Motte.
– Des toponymes comme Cornillac et Cornillon (domaine de Cornélius) qui sont indiscutablement d’origine latine.

Le pont romain de Villeperdrix :

Mur de soutènement de la voie et ornières dans le rocher :

LES VESTIGES MATÉRIELS

Hormis les tuiles plates à rebord (tegulae), quelques monnaies et tessons, vestiges signalés dans pratiquement chaque commune, trois ensembles majeurs attestent de l’influence romaine.

Des céramiques de grande qualité, sinon luxueuses, avec la signature du potier, importées d’Italie pour celles des Tourettes, ou fabriquées dans les grands ateliers du sud du Massif central qui avaient victorieusement concurrencé les productions d’Italie : c’est le cas de l’assiette et des deux tasses de sigillée trouvées au quartier d’Usage à Bruis (Ier et IIème siècle après JC).

Poteries sigillées de Bruis (collection M. Perrin), tuiles (tegulae) de Piconnet :

Le four de tuilier à Piconnet (La Charce) dont seule la voûte de la chambre de cuisson n’a pas laissé de trace. L’air chaud obtenu au ras du four était diffusé par un couloir central, matérialisé par un alignement d’arcades au centre de 9 murettes en briques, séparées de 15 cm, espace suffisant pour que l’air chaud s’élève et passe par les orifices d’une sole de briques à encoche, et vienne cuire tuiles et briques entassées sur la sole.

Four de tuilier à Piconnet (découverte fortuite J.C. DAUMAS, 1967) :

LA VILLA À SAINT-ARIÈS

La villa à Saint-Ariès (La Motte) que matérialisent de nombreuses trouvailles:
– Inscription sur marbre blanc.
– Fragments de tubuli (tuiles striées employées dans les cheminées de salle de chauffe).
– Fragments de dolium (silo ou cuve à vin).
– Très nombreux tessons de sigillée claire dont les décors peints ne sont plus lisibles.
– Tessons de “poterie kaolinitique voconce”, vases gris – bleu qui perdureront pendant tout le Moyen-Age, déjà présents en quantité à Coumbauche.
– Un fragment d’inscription sur marbre – la première trouvée dans le secteur – malheureusement réduit à une seule lettre, un S, mais dont la gravure est de grande qualité.

Localisation de la villa de Saint-Ariès par rapport au village de La Motte Chalancon, et vue aérienne du site :

Inscription sur marbre blanc et fragments d’amphores :

Fouilles J.C. DAUMAS et R. LAUDET 1988 – Photos Robert LAUDET
Données tirées des Cahiers de l’Oule de 1994, édités par le Club Sportif et Culturel Mottois.


MOYEN ÂGE

LA TOMBE PALÉOCHRÉTIENNE DE ROTTIER

Fouillée en 2001, elle est datable des VIe ou VIIe siècles. Il s’agit d’une structure dite “en bâtière”, c’est-à -dire de section triangulaire : fond en tegulae (tuiles plates romaines) et côtés formés par deux rangées de ces mêmes tegulae, inclinées les unes vers les autres et recouvertes à leur jonction par une faîtière en tuiles canal.

Cet ensemble quelque peu monumental abritait un adulte de grande taille (1,80 m), enterré classiquement tête à l’ouest et pieds à l’est, alors que les os d’un autre squelette étaient posés en fagot sur ses jambes (tombe réutilisée).
Deux autres inhumés, cette fois en pleine terre, entouraient la tombe en tuiles, indice sans doute d’un cimetière burgonde ou mérovingien.

PIERRE DE BRUIS

C’est un célèbre hérétique français des débuts du XIIe siècle [était-il originaire de Bruis? Fut-il prêtre à Bruis ? Enigme insoluble] dont la doctrine, qualifiée de pétrobrusianisme, fut condamnée lors de plusieurs conciles. Ses principales idées : seul le baptême des adultes est valable ; inutilité de la communion et des églises (bâtiments) : l’Eglise, c’est la réunion des fidèles dans n’importe quel lieu ; les mérites accumulés ou non lors de la vie terrestre sont les seuls déterminants pour le salut : Paradis ou l’Enfer ;enfin – c’est sa spécificité – Pierre de Bruis voue une véritable haine à la croix, instrument de torture du Christ, d’où les “bâchers (à la Savonarole) de croix” qu’il organisait. C’est dans l’un d’eux qu’il finit sa vie à Saint-Gilles du Gard, sans doute entre 1125 et 1130.

Deux rares tympans représentant la crucifixion à Die et St Gilles du Gard, probablement en réaction à la doctrine de Pierre de Bruis.

Photos Robert LAUDET
Données tirées des Cahiers de l’Oule, édités par le Club Sportif et Culturel Mottois.


PHILIS DE LA CHARCE

Philis de La Charce, héroïne des Baronnies

Cinquième enfant de Françoise et Pierre de la Tour-Gouvernet, famille protestante bien connue des Baronnies, Philis est née à Montmorin en 1645. Sa vie a été marquée par deux événements majeurs. De 1672 à 1674 séjourna à Nyons, où la famille de La Charce passait l’hiver, Mme Des Houlières, poétesse connue qui lui fit troquer son prénom Philippe contre Philis, un personnage de l’Astrée d’Honoré d’Urfé. En 1692, soit 6 ans après sa conversion au catholicisme au lendemain de la Révocation de l’Edit de Nantes, le Dauphiné fut envahi par l’armée du duc de Savoie. Il s’empare d’Embrun, puis de Gap le 30 août, avant de battre en retraite à partir du 12 septembre, la localité atteinte la plus occidentale étant Veynes. Philis de La Charce

Sur le rôle qu’a pu jouer Philis de la Charce, les historiens ont débattu pendant plus d’un siècle. Il semble bien qu’elle se soit simplement opposée, avec les habitants de Montmorin où elle séjournait souvent l’été, à une bande de pillards venue « faire payer la contribution ».

Grâce à ses relais parisiens (Mme de Sévigné, Mme Des Houlières, sa sœur Marguerite – Sapho – lectrice auprès de la duchesse de Nemours) Philis est présentée comme une héroïne ; elle sera même qualifiée au XIXe siècle de « Jeanne d’arc du Dauphiné ».

Lors de son séjour à Paris, elle fut gratifiée d’une pension par le roi Louis XIV de 2000 livres, d’un portrait par Pierre Mignard et d’une dédicace de Charles Perrault. Une citation par Voltaire, trois autres portraits, trois romans, une statue, un nom de rue dans trois villes, sans oublier l’homérique dispute historique depuis la fin du XIXe siècle et sa présence systématique dans les publications locales et régionales fin XXe – début XXIe siècles montrent la perpétuation de la geste légendaire de Philis.

Le Château de La Charce

Construit par René de la Tour-Gouvernet (arrière grand-père de Philis) dans le 3è quart du XVIe siècle, c’est un bon exemple de l’architecture de la Renaissance : fenêtres à meneaux, escalier intérieur monumental et décoré de deux croisées d’arcs par palier.

Ce corps de logis, restauré dans les années 1980 – est flanqué de deux tours rondes ; il dessine un rectangle imparfait (26 m de long pour une largeur de 8 m à l’ouest et 9 m à l’est). Les deux tours nord sont détruites depuis le XXe siècle.

Les éléments défensifs – bouches à feu des tours, pont-levis protégeant le portail, ouvertures minuscules au rez-de-chaussée – évoquent le contexte des Guerres de Religion.

Photos Robert LAUDET – Michel MUNIER
Pour en savoir plus, lire le N° 2003 des Cahiers de l’Oule (Jean-Claude DAUMAS) : “Philis et son château” 3e édition, édité par le Club Sportif et Culturel Mottois.